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Les formes muettes du voyage première variation

" Tantôt l'on organise autour du point une allure plutôt qu'une forme ..."

" Le territoire est en fait un acte qui affecte les milieux et les rythmes..." " Le territoire, c'est d'abord la distance critique entre deux êtres de même espèce : marquer ses distances ..." 

" Mille -plateaux " Deleuze Guetari ( passages dans le chapitre " De la ritournelle "*



essai installation "Les formes muettes du voyage" première variation


" Les formes muettes du voyage " 

texte de Maxime Jean Baptiste


"La nouvelle installation de l’artiste Catherine Olivier s’intitule « Les formes muettes du voyage », et vient questionner notamment la notion de territoire. C’est une notion, mais c’est aussi un fait, « un acte qui affecte les milieux et les rythmes »*, et nous fait percevoir un espace donné avec une certaine projection, des idées déjà construites, un récit national ou intime.


Le territoire est une réalité, dans laquelle nous vivons, une réalité aussi parfois basée sur une fiction étatique. Mais cette fiction a aussi un pouvoir concret, un pouvoir physique sur les corps et les esprits, et justifie parfois des actes innommables comme nous pouvons en être témoins aujourd’hui.

Le territoire est aussi intime, n’est pas directement visible ni entendable. Il est à l’intérieur de nous, et de ce fait, se trouve être en mouvement.


C’est peut-être ce que vient questionner aussi l’installation de Catherine Olivier, où la forme de la maison, lieu par essence de l’intime et du privé, des racines et de l’identité, n’est plus désormais accrochée à un espace terrien. Il flotte et est en mouvement. C’est une réalité que nous vivons actuellement, le mouvement. Ce mouvement, il est parfois décidé, désiré, suit une impulsion et un désir intérieur d’aller voir ailleurs. Parfois ce mouvement est imposé, et produit du déracinement. La maison est alors flottante, n’arrive plus à se poser car il n’y a plus de terre.


A ce sujet, les corps dans une grande partie de l'œuvre de Catherine Olivier, sont d’ailleurs toujours dans des positions indéterminées. Ce ne sont pas des corps décidés et ancrés, mais des corps en attente, en pause, parfois perdus, détachés, parfois dans l’ennui. Les corps aussi sont souvent de dos, regardent ailleurs que nous spectateurs. Ils n’attendent pas forcément notre attention. Ils ont leur propre vie et réalité, leur propre intériorité. Il est rare de voir une dépiction aussi juste de cette émotion d’entre-deux, d’indétermination, qui est une émotion qui aujourd’hui nous prend avec force. Le futur est indéterminable, et l’enracinement se voit compliqué.


Dans l’installation, on retrouve cette émotion dans ce personnage féminin presque de dos, qui lie une possible lettre, pendant que d’autres flottent derrière elle. On ne sait pas ce qu’elle lit, elle-même peut-être ne le sait pas. C’est comme si Catherine Olivier captait le moment après que la femme ait lu une nouvelle difficile. C’est juste ce moment après, où l’on se sent absent, dissocié, et l’on devient mécanique car on essaye par-dessus tout de rester dans le réel, accroché au réel.Ces moments particuliers, l’artiste les capte avec justesse et précision.


Pour revenir au mouvement, il est important aussi de signaler que son travail est aussi très fort influencé par le cinéma. Nous pourrions penser au travail de Michelangelo Antonioni, de Chantal Akerman ou d’Andreï Tarkovsky, où les expressions des corps représentés ne nous sont pas directement communicables. Il y a de nombreuses émotions qui passent à travers l’esprit du personnage, on ne peut discerner si facilement s’il s’agit d’une réminiscence ou d’une absence. Akerman ne nous explique pas directement la raison pour laquelle Jeanne Dieleman est emprisonnée dans un quotidien mécanique, n’ayant accès en tant que spectateur à aucune parole qui nous donnerait accès à l’intériorité du personnage. Mais on ressent de manière puissante, qu’un bruit, qu’une force, qu’une violence crie à l’intérieur du corps. Ou qu’un silence encore plus assourdissant est en elle. De même, le travail de l’artiste reste en suspens et ne nous explique pas directement le vécu des personnages représentés. Il s’agirait à ce titre, plus de figure que de personnage pour être plus juste.


Le titre de son installation, « Les formes muettes du voyage », prend dès lors un sens très clair. Catherine Olivier donne un espace justement à ce qui nous traverse dans un voyage physique comme intérieur. Cette femme, de dos, qui défile des lettres ou des cartes postales, vit un moment de voyage intérieur, sans trop bouger, en restant là. Et c’est là où peut aussi se poser notre regard, dans cette condition d’incertitude. C’est une invitation à poser notre propre sensation, notre propre projection, sans être poussé à dire quoi que ce soit, sans avoir d’imposition. Le travail de Catherine Olivier est une invitation à la contemplation, et cela nous est on ne peut plus nécessaire aujourd’hui où le monde semble sans cesse devoir signifier tout et rien. Il s’agit d’un lâcher prise, d’une ouverture, où le corps n’est plus séparé d’un entouré, d’un environnement, d’un paysage, mais en fait partie. Les éléments coexistent et s’interpénètrent, et nous nous laissons prendre aussi, en tant que spectateur, dans cet espace immersif et ouvert, à sans cesse redécouvrir chaque parcelle."




extrait "Les formes muettes du voyage" première variation




extrait "Les formes muettes du voyage" première variation en cours ...







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